Coordinatrice du projet de soutien psychosocial, en faveur des enfants et des mamans au camp de réfugiés de Jenine, en Palestine. Reçu ce lundi 10 août 2020
La situation générale Palestine
La situation générale en Palestine se dégrade et la corde se serre de plus en plus autour du cou de sa population.
Le virus COVID19 a fait des dégâts humains, économiques et sociaux dans le monde entier mais, en Palestine, cette pandémie vient s’ajouter à d’autres dimensions stratégiquement dangereuses pour la cause palestinienne.
En effet, pendant que le monde est complètement pris a dénombrer les nouveaux cas et les décès, les autorités israéliennes profitent de l’occasion pour mettre en application le projet “l’affaire du siècle” soutenu par le président américain Trump. Ainsi, une partie de la population de la vallée de Jourdain est interdite de rejoindre leur territoire….
D’autre part, les souffrances causées par les incursions nocturnes des soldats israéliens ne sont même plus relevées au niveau de la presse internationale.
Une incursion nocturne … qui se termine mal …
Pas plus tard que la nuit de vendredi à samedi dernier, à deux heures et dix du matin, les soldats sont entrés dans mon quartier. Il y avait environ 12 jeeps devant ma porte. Mon bébé de deux ans a sauté à mon cou après la première explosion. Il est resté accroché à moi jusqu’à l’aube. Il était terrifié par la violence des coups de feu et le vacarme des explosions devant ma porte. Moi aussi. J’ai n’ai pas osé regarder par la fenêtre car je sentais leur présence très proche et je voyais les lumières illuminer nos murs. J’ai demandé aux enfants de se mettre à plat ventre et de ne plus bouger. Mon enfant a demandé le biberon à plusieurs reprises mais je ne pouvais pas aller à la cuisine car mes fenêtres ne sont pas élevées et j’ai eu le sentiment qu’il valait mieux rester à l’étage.
Nous sommes restés comme ça jusqu’à l’aube. En partant, Les soldats ont commencé à tirer très fort dans tous les sens. C’est là que j’ai entendu des cris et des pleurs et enfin une ambulance. Après m’être assurée qu’ils n’étaient plus là, j’ai regardé par la fenêtre pour voir ce qui se passait. En fait, les soldats ne sont pas partis sans faire de drame. Ils ont tiré sur la fenêtre de nos voisins. Ils ont touché ma voisine, Dalia Saloudi, maman de deux enfants : un bébé de huit mois et un garçon de deux ans. Alors qu’elle voulait fermer la fenêtre pour empêcher que les gaz lacrymogènes ne pénètrent dans la maison, elle a été touchée par une balle en plein cœur.
Le bébé de huit mois était encore au sein maternel. Il n’avait jamais accepté le biberon jusque là. Depuis vendredi, la famille essaye de lui faire tenir le biberon mais il le refuse. Il n’arrive pas non plus à dormir car il avait l’habitude de dormir sur le sein de sa maman. Les tantes se relayent la nuit à le bercer et à essayer de le faire dormir.
Le deuxième garçon a deux ans. Quant à lui, il cherche sa maman parmi les femmes qui sont là pour le deuil ; il est persuadé qu’elle est chez le médecin et qu’elle va revenir… Quand il m’a dit qu’il était en train de l’attendre, je suis sortie pour ne pas m’effondrer devant lui…
Qu’ont-ils fait ces deux enfants pour être privés de leur maman ? La maman a perdu la vie pour avoir voulu empêcher que ses enfants respirent les gaz lacrymogènes.
L’enfant de huit mois au-dessus du corps sans vie de sa maman lors des funérailles.
Caricature réalisée autour de la mort de Dalia Samoudi.
Situation du Coronavirus en Palestine.
L’autorité palestinienne a pris des mesures sévères de prévention dès l’apparition du premier cas de COVID 19 sur des touristes à Bethleem au début du mois de mars.
Les mesures ont été fermement appliquées durant la première période du confinement, jusqu’à la fin mai 2020. Le nombre de personnes touchées est resté assez stable. Durant cette période, la population a plus souffert de l’impact économique que de la maladie. Tous les secteurs étaient fermés. Personne ne pouvait aller au travail, sauf les ouvriers palestiniens qui travaillent en Israël et qui revenaient chaque soir chez eux. C’est à partir de là que la situation a dégénéré. En effet, Israël est gravement atteinte par le virus COVID19 et les allers et venues des ouvriers a carrément fait exploser le nombre de personnes touchées en Cisjordanie.
Depuis le 5 mars jusqu’au 1er mai 2020, nous avions un total général de 517 personnes atteintes du COVID19. Sur cette période, il y a eu deux décès.
A la date du 20 juillet 2020, nous avons 14.838 de personnes atteintes :
- 380 nouveaux cas pour ce jour du 20/07/2020
- 8.465 personnes atteintes activement du COVID19
- 6.289 personnes guéries
- 84 décès
Source : Ministère palestinien de la santé
Les causes de cette explosion dans les chiffres sont à situer à deux niveaux :
- Il s’est avéré que la manière de faire les tests était incorrecte.
- Les allers-retours quotidiens des ouvriers qui travaillent en Israël (très atteinte du covid 19).
Le COVID 19 a un impact très sévère sur la situation économique des gens, celle-ci étant déjà très détériorée du fait de l’occupation israélienne. Depuis avril, les fonctionnaires de l’Autorité Palestinienne (qui, avec leurs familles, constituent plus de la moitié de la population) ne reçoivent plus que la moitié de leur salaire.
Les moyens du gouvernement sont minimes pour lutter contre le fléau, tant sur le plan des salaires qu’au niveau des moyens logistiques. Les organisations non-gouvernementales sont grandement sollicitées mais leurs moyens sont tout aussi dérisoires.
Quant à Not To Forget, grâce à son partenaire le CPJPO, avec l’accord du Ministère de la Coopération, elle a pu offrir des colis de nourritures et de biens de première nécessité pour répondre aux besoins urgents de familles pauvres sans revenu. Notre travail ne fait que commencer et le combat continue … la vie continue …
Mostahm, son mari et un ami préparent les colis à distribuer à une centaine de familles parmi les plus pauvres du camp de Jenine. Avril 2019
Jenine, le lundi 10 août 2020