Communiqué de presse

Antisémitisme, critique d’Israël, chasse aux sorcières: Les risques des positions du chargé allemand de la lutte contre l’antisémitisme

Le 16 septembre 2019, Felix Klein, chargé allemand de la vie juive et de la lutte contre l’antisémitisme, donnera à Luxembourg une conférence intitulée « Antisemitismus heute », à l’invitation de l’Institut Pierre Werner, de l’IHRA (International Holocaust Remembrance Alliance) et de l’ambassade d’Allemagne.

Vu l’importance de la lutte contre l’antisémitisme et toutes les formes de racisme, il serait important que le public qui participera à cette soirée soit informé des positions de M. Klein : celles-ci peuvent porter atteinte à une vie démocratique saine et mettre en péril la lutte indispensable contre les préjugés antisémites.

M. Klein, Beauftragter der Bundesregierung fürjüdisches Leben in Deutschland und den Kampf gegen Antisemitismus, a contribué activement en 2019 à une campagne visant à réduire au silence l’association juive allemande Jüdische Stimme für Gerechten Frieden in Nahost (Voix juive pour une paix juste au Proche-Orient). 

Or le BDS[1], dont l’objectif est d’exercer une pression pacifique sur Israël jusqu’à ce qu’il respecte les droits humains des Palestiniens, est tout à fait légal. La Haute Représentante de l’UE pour les Affaires étrangères Mme Mogherini l’a confirmé: « L’UE se situe fermement dans le soutien à la liberté d’expression et d’association conformément à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui s’applique sur le territoire des États membres de l’UE, y compris en ce qui concerne les actions BDS menées sur ce territoire. La liberté d’expression, comme le souligne la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’homme, s’applique aussi aux informations ou aux idées « qui choquent ou dérangent l’État ou tout secteur de la population. »

Le soutien de Jüdische Stimmeà la campagne citoyenne Boycott Désinvestissement Sanctions(BDS) est la raison de ces attaques publiques (lesquelles visaient à empêcher que soit remis à l’association le prix de la paix de Göttingen et à fermer son compte bancaire). 

Le Bundestag a adopté en mai 2019 une résolution assimilant le BDS à de l’antisémitisme, en totale contradiction avec la position de l’UE et de son droit interne. F. Klein a également milité en faveur de cette résolution.

En mai 2019, F. Klein a appelé les citoyens allemands à porter la kippa en réaction à la journée Al Quds, laquelle dénonce l’occupation illégale selon le droit international de Jérusalem-Est par Israël depuis la guerre des Six-Jours en 1967. Selon lui cette manifestation annuelle constituerait un appel contre Israël et les juifs : “Ich rufe alle Bürgerinnen und Bürger in Berlin und überall in Deutschland auf, am kommenden Samstag, wenn in Berlin beim ‘Al-Kuds-Tag’ wieder in unerträglicher Weise gegen Israel und gegen Juden gehetzt wird, Kippa zu tragen.“

En s’exprimant ainsi, M. Klein renforce la confusion entre les juifs et Israël, il fait d’un conflit de type colonial une guerre de religions, effectuant ainsi une prise en otage des juifs vivant hors d’Israël qui n’ont pas à être associés avec un État qui viole le droit international et les droits humains des Palestiniens. Rappelons que cette confusion est antisémite selon la définition de l’IHRA (International Holocaust Remembrance Alliance), pourtant promue par F. Klein lui-même.

Dans ses fonctions, M. Klein apporte son soutien à un ancien chef de gang, devenu porte-parole de l’armée israélienne après avoir quitté l’Allemagne, Arye Sharuz Shalicar, dans la promotion de son livre Der Neu‐Deutsche Antisemit. M. Shalicar, qui s’exprime dans un langage de voyou, s’attaque vulgairement sur Facebook à un évêque, M. Abromeit, qui ose questionner la politique israélienne à l’égard des Palestiniens, puis au journaliste du Spiegel, Jacob Augstein. Dans ce dernier cas, il n’hésite pas à recourir à un parallèle entre le journaliste et l’Allemagne nazie.

Cela ne semble pas choquer M. Klein, pourtant un adepte de la définition de l’antisémitisme de l’IHRA ; or celle-ci ne permet pas de faire le parallèle entre politique d’Israël et époque nazie. Mais permettrait-elle de faire le parallèle entre celui qui critique la politique israélienne et les bourreaux du nazisme ? Le même Shalicar appelait en 2017 à faire la chasse aux Palestiniens en Allemagne, en dehors des règles de l’État de droit.

Nous observons avec tristesse ces tentatives pour amalgamer critique d’Israël et antisémitisme et regrettons ces nombreuses incohérences dans un discours qui se veut normatif dans la lutte contre l’antisémitisme :  ces attitudes ont malheureusement pour effet pervers de renforcer certains préjugés antisémites et de mettre à l’arrière-plan les faits antisémites réels liés principalement aux idées d’extrême-droite et suprématistes. 
https://paixjuste.lu/wp-content/uploads/2019/09/190912-felix-klein.pdf


[1]Le BDS repose sur des principes qui rejettent catégoriquement toutes les formes de racisme, y compris l’antisémitisme, il s’applique aux entreprises et aux institutions qui sont profondément complices des violations par Israël des droits de l’homme des Palestiniens. BDS vise la complicité, non l’identité.